Plaidoyer pour réduire les inégalités entre Français

Au stade du diagnostic, des traitements ou des soins de suite, les Français ne sont pas égaux face au cancer. La réduction des inégalités territoriales, sociales ou culturelles représente l’un des principaux enjeux pour la cancérologie française.

Avec 400 000 nouveaux cas par an, plus de 3 millions de patients concernés et environ 150 000 décès chaque année, le cancer reste l’un des principaux fléaux sanitaires en France.

Mieux repérer, mieux soigner et mieux accompagner les personnes touchées constitue donc un enjeu clé pour les politiques de santé publique. Mais à l’heure où les variabilités territoriales en termes d’accès aux soins tendent à s’accentuer, un autre défi se confirme pour les autorités sanitaires  : réduire les inégalités d’accès aux soins pour les patients atteints d’un cancer.

C’est l’une des priorités du 3e Plan Cancer (2014-2019), qui établit un lien direct entre ces inégalités et le risque de « perte de chances » pour les patients, soit la probabilité d’être moins bien soignés en raison d’une prise en charge inadaptée.

« Inégalités des risques génétiques ou comportementaux, inégalités des parcours de prise en charge du fait de la situation sociale, territoriale, pertes de chances liées au non-respect des standards de bonne pratique, inégalités d’information… les inégalités face à la maladie cancéreuse sont diverses et complexes, peut-on lire dans le 3e Plan Cancer. Elles portent à la fois sur les caractères des individus et sur l’offre de soins, de dépistage ou de prévention qui leur est offerte. »

Cancer du poumon : disparités marquées

Si certaines études montrent que la survie des patients est étroitement dépendante de la qualité de la formation et du cursus des acteurs de santé, peu d’entre elles documentent précisément l’impact des inégalités sur la prise en charge des différentes formes de cancer. Menée en 2015, sous l’égide du laboratoire BMS, l’étude Territoire a permis de mettre en lumière les disparités régionales et socio-économiques dans la prise en charge des patients atteints d’un cancer du poumon. Les chiffres sont éloquents : dans les zones à faible densité de pneumologues (libéraux et hospitaliers), la probabilité d’être dépisté à un stade métastatique est plus élevé de 13 points que dans celles à densité élevée. De même, les patients ont un risque plus élevé de 24 % d’être admis par les urgences à l’hôpital en cas de cancer du poumon dans ces zones peu densifiées. Un risque également majoré de 15 % en cas de faible densité de médecins généralistes.

Mieux structurer les parcours

Le Pr Pierre-Jean Souquet, pneumologue, médecin et membre de la commission médicale aux Hospices civils de Lyon, témoigne de ces inégalités dans sa région. « Dans certains départements comme l’Ardèche, l’accès à un pneumologue est très difficile. Résultat, les patients vont aux urgences pour le moindre symptôme thoracique. Le manque de généralistes complique également la prise en charge, car ce sont eux qui peuvent décider de la bonne orientation et de la meilleure thérapeutique.  » Selon le Pr Souquet, les risques de perte de chances sont élevés à tous les stades du parcours de soins du patient : diagnostic, examens complémentaires (manque d’appareils d’imagerie, IRM, scanner, TEP scanner…), traitements, suivi post-hospitalier, risque de rechute… « Par ailleurs, la prise en charge des patients s’effectue souvent dans des centres de proximité où la densité médicale est souvent insuffisante. Sous prétexte de ne pas déplacer les patients, ce peut être une perte de chance pour eux. » Il préconise donc « la possibilité, pour les chirurgiens de ces structures, d’opérer leurs patients dans des centres experts, puis de les suivre après dans leurs centres de proximité. C’est un bon compromis entre la sécurité des soins et la qualité de vie. » Pierre-Jean Souquet évoque également un autre facteur d’inégalités entre patients, selon leur région d’origine : l’accès aux médicaments innovants. Celui-ci est en effet variable selon le statut du médicament, selon les pratiques des professionnels ou les contraintes budgétaires locales. « Il est impératif d’améliorer de façon globale l’accès des patients à l’innovation thérapeutique, en agissant pour réduire les disparités qui existent d’un territoire à l’autre et d’un pays à l’autre au sein de l’Europe. »

Pierre Mongis


Papier d’ouverture extrait du dossier Equité aux soins en cancérologie, réalisé par CommEdition, paru dans Le Monde daté du 24 novembre 2018